Visite de l'Abbaye Cistercienne d'Aubazine
À cette spiritualité s’ajoute une ingéniosité remarquable : entre 1140 et 1150, les moines creusent à la main et à travers la montagne, le Canal des Moines, une œuvre d’ingénierie hydraulique longue de près de 2 km, permettant d’acheminer l’eau du ruisseau du Coiroux jusqu’à l’abbaye. Ce chef-d’œuvre, toujours visible, reste l’un des plus anciens canaux monastiques d’Europe encore en fonctionnement.
Fidèles à la règle de saint Benoît, les moines cisterciens rejettent la richesse urbaine et vivent du travail de la terre. Pour assurer leur autosuffisance, ils créent autour de l’abbaye un réseau de granges monastiques, de véritables exploitations agricoles souvent implantées dans des zones peu habitées, qu’ils défrichent, cultivent et aménagent. Ces granges, dirigées par des frères convers (des laïcs consacrés, distincts des moines de chœur), participent à la mise en valeur agricole de vastes territoires. On y élève du bétail, on cultive céréales, vigne ou chanvre, et on y transforme les produits sur place grâce à des moulins, des pressoirs, ou des fours à pain.
Autour d’Aubazine, plusieurs de ces granges ont structuré durablement le paysage rural et l’économie locale, créant un maillage qui perdurera bien au-delà du Moyen Âge. Elles témoignent aujourd’hui encore de la capacité d’organisation et de gestion des cisterciens, qui ont profondément influencé l’aménagement du territoire. Notre Moulin en est un bel exemple, au même titre que le Moulin de Cougnaguet (voir article précédent), à coté de Rocamadour, et que nous vous conseillons de visiter. Le château de la Pannonie repose également sur les fondement d'une grange cistercienne de l'époque
Comme tant d’autres abbayes, Aubazine connaît un lent déclin à partir du XIVe siècle. Les guerres, la peste et les crises internes affaiblissent la communauté. À la Renaissance, l’abbaye passe sous le régime de la commende : des abbés laïcs y perçoivent les revenus sans y résider, précipitant l’appauvrissement spirituel du lieu.La Révolution française sonne le glas de la vie monastique à Aubazine. En 1791, les moines sont dispersés, les biens vendus comme biens nationaux. L’abbaye devient propriété privée, puis bâtiments agricoles. Ses pierres, pourtant silencieuses, continueront à porter l’empreinte des siècles.
À la fin du XIXe siècle, des religieuses s’installent dans les anciens bâtiments conventuels et y ouvrent un orphelinat pour jeunes filles. En 1895, une enfant de douze ans y est placée : Gabrielle Chanel, future Coco Chanel. Elle y passe six années décisives. L’esthétique austère et rigoureuse des lieux, les jeux de lumière dans le cloître, les motifs géométriques des vitraux et des sols auraient profondément marqué son imaginaire. On dit que l’empreinte d’Aubazine se retrouve dans les lignes épurées de ses créations, et même dans le célèbre logo aux deux "C" entrelacés.
Pour conclure, encore une belle visite, présentée par des guides expérimentés et parfois dotés d'une bonne dose d'humour, à faire en partant du Moulin du Boisset...
